A lrsquo;acirc;ge de dix-huit ans Ounsi El Hage, neacute; en 1937 agrave; Beyrouth, publia ses premiers poegrave;mes et quelques traductions de poeacute;sie franccedil;aise dans la grande revue litteacute;raire libanaise Al-Adibb. Il fut ensuite lrsquo;un des premiers collaborateurs et sans doute la voix la plus radicale de la revue de Youssef el-Khal, Shirsquo;r (poeacute;sie ndash; 1957-1969). Ses critiques des courants ideacute;ologiques qui traversaient la poeacute;sie arabe drsquo;apregrave;s-guerre restent parmi les textes les plus singuliers de la revue : il y fit deacute;couvrir, entre autres, les oeuvres drsquo;Andreacute; Breton et drsquo;Antonin Artaud.
Son premier recueil Lan (Jamais - 1960) constitue le premier manifeste arabe en faveur du poegrave;me en prose, genre meacute;connu jusqursquo;alors. Adaptateur drsquo;auteurs dramatiques europeacute;ens, Ounsi El Hage est auteur de six recueils de poeacute;sie, de deux volumes drsquo;aphorismes et drsquo;un ouvrage en trois tomes reacute;unissant ses plus insolentes chroniques de lrsquo;actualiteacute; litteacute;raire et sociale publieacute;es entre 1964 et 1987 dans le grand quotidien libanais An-Nahar. Le lecteur francophone a aujourdrsquo;hui la possibiliteacute; de deacute;couvrir une partie de son oelig;uvre poeacute;tique eacute;tablie et preacute;senteacute; par A. K. El Janabi, chez Sindbad /Actes Sud sous le titre : Eterniteacute; volante.
Les poegrave;mes suivants sont tireacute;s de ses premiers recueils : Lan (1960), Le passeacute; des jours agrave; venir (1965) et Qursquo;as-tu fait de lrsquo;or, qursquo;as-tu fait de la rose ? (1970)
Dans le givre le manteau est un mot
Eacute;cris ta visite sur les saisons. Eacute;cris sur le pain et le vin ton baiser. Eacute;cris sur la surprise.
Eacute;cris.
Eacute;cris sur le feu et le laurier, ton deacute;sir, ton spectre, tes recirc;ves.
Tu retourneras demain agrave; ton maicirc;tre.
A la joie de ton maicirc;tre ?
Agrave; ton maicirc;tre.
Agrave; la colegrave;re de ton maicirc;tre ?
Agrave; ton maicirc;tre !
Agrave; la merci de ton maicirc;tre ?
Agrave; ton maicirc;tre !hellip;
Eacute;cris.
Eacute;cris ton illusion, ton passage, sur les reacute;feacute;rences et les fenecirc;tres.
Chant disperseacute;
Je ne te donne pas de nom musical.
Je ne trsquo;offre aucune surprise.
Je suis passionneacute; de ta nuditeacute; et mon deacute;lire en tire son prestige.
Je suis un prix agrave; ta gloire.
Quel est le sens du symbole ?
Une bouche dans lrsquo;eau.
Je ne suis que bouche chauve, mes oelig;uvres sont violeacute;es, deacute;soelig;uvreacute;es.
Le symbole est une absence.
Ton nombril fait disparaicirc;tre le monde comme un vertige drsquo;eau.
Force est le symbole, paresse armeacute;e ton rayonnement.
Je suis un microbe choyeacute; entre tes seins.
On a gratifieacute; les femmes de noms eacute;tranges.
Si je trsquo;avais donneacute; un nom, je lrsquo;aurai oublieacute;.
Il y a des livres qui ont une senteur de chambres, je leur crie : O livres vous avez une senteur de chambres ! Il est une poeacute;sie de verres briseacute;s : O bris de verres ! Personne ne me surprend agrave; te donner ces noms. Tu es eacute;vidente, ton hacirc;le me poursuit et les essoufflements de ta matrice me hantent.
Dans mes yeux tu joues ton rocirc;le et de tes fenecirc;tres tu me perces la moelle.
Le recirc;ve reacute;side dans ton boudoir qui nrsquo;est que ruse consciente.
Comment vais-je t rsquo;appeler ?
Je te trouverai une prison.
Mais qui mrsquo;en sortira !
Le calice
Je ne mrsquo;arrecirc;te point
Je ne mrsquo;arrecirc;te point
En habit blanc sous la lune
Noyeacute;
Le lendemain
Entre des battements de coelig;ur.
Tu es
Dans la voucirc;te du brouillard
Dans les puits rectangulaires du couvent
Dans les fecirc;tes
Dans le rayonnement des vitrines
Dans les meacute;lodies populaires
Dans les abeilles agrave; la rumeur deacute;sespeacute;reacute;e
Dans les vins et le deacute;part des bateaux
Tu me restes sans que je ne le sente
Tu me restes et je le sens
Les rides et les fraicirc;cheurs srsquo;apaiseront
La terre tendra la tecirc;te
Et drsquo;un mot agrave; un autre
Drsquo;un oiseau
Agrave; un autre
Elle nous suivra.
De loin jrsquo;ai entendu
Et lorsque jrsquo;ai tenteacute; de mrsquo;approcher
Tu as poseacute; ta main.
De loin, jrsquo;ai entendu
Et derriegrave;re les forecirc;ts
Jrsquo;ai vu des peuples seacute;culaires.
Les ideacute;es qui viennent au sommeil
Les ideacute;es qui viennent au sommeil
Comme celles qui viennent agrave; table
Ou au balcon
Les ideacute;es qui viennent agrave; contretemps
Glissent entre les doigts
Et mettent en rage.
Nous nous accordons tous agrave; croire
Que les ideacute;es sont deacute;jagrave; venues aux autres
Quand elles ne viennent pas agrave; nous.
Mais cela est sans fondement.
Car la veacute;riteacute; (qui luit comme des ideacute;es dans lrsquo;ombre)
Montre que si elles ne viennent pas agrave; nous
Les ideacute;es veulent que nous allions agrave; elles !
Certes, ma dame
Ta conversation est captivante.
Mais pour toi les ideacute;es
(et je ne le dis pas agrave; toi seule)
Sont eacute;ponge de jouissance
Tu les regardes
Avec lrsquo;oelig;illade de la syphilis,
De la rage
Et des heures
Avec une seule penseacute;e et une main
Pour trsquo;attraper comme tu le souhaites.
Entre toi et les ideacute;es, il y a un homme
Entre les ideacute;es et lui
Il y a toi
Agrave; lrsquo;inteacute;rieur du triangle velu
Ougrave; tu jettes le regard de lrsquo;alfa et de lrsquo;omeacute;ga
Tu construis les cages et les enclos
La syphilis, la rage et les heures
Tu montes et descends
Par drsquo;anciennes
Et nouvelles eacute;ditions
Revues,
Corrigeacute;es,
Eacute;masculeacute;es.
Jusqursquo;au bonheur
Tes jambes sont intimes comme tes seins
Mon esprit brucirc;le les amours anciennes
Donnant au feu nouveau le renom des temps glorieux
Pour toi et pour ces temps glorieux
Tes jambes comme tes seins sont intimes
Tu es neacute;e pour que les livres se ferment
Neacute;e pour que soient blecirc;mes les statues
Neacute;e pour investir la capitale
Neacute;e pour devenir capitale
De tous ceux qui certes sont en toi
Neacute;e pour connaicirc;tre le pouvoir de tes mains
Tes jambes sont agressives,
Accueillantes comme tes seins
O femme va au bout de ta beauteacute;, de ta vertu
Sois le calice et le vin
Deacute;truis et deacute;truis encore
Que de ton feu jaillisse le sacreacute;
Et la veacute;riteacute; du scandale
Que les chemins des eacute;coles partent des forecirc;ts en folie
Eacute;largis les horizons
Nos plaisirs, en eacute;largissant les leurs,
Attendent que la terre nous contemple
Dans le vaste espace eacute;tonneacute; de notre liberteacute;,
Ougrave; deacute;jagrave; en tous coins du globe
Se concentraient tous les regards
Admirant notre creacute;ation de lrsquo;amour
Contre lrsquo;eacute;pouvante et la mort
Contre la banaliteacute; et la mort
Contre lrsquo;amour anti-amour et la mort
Contre la jalousie et la mort
Contre la peur et la mort
Contre lrsquo;anti-nature et la mort
Contre les pleurs et la mort
Contre le ciel et la mort
Contre le givre, lrsquo;exil, lrsquo;embargo,
Les feuilles mortes des quatre saisons,
Les meacute;lodies conspiratrices,
La gomme qui gomme en notre nom
Et les monstres aux dents drsquo;enfant
Contre la terreur du lys imposteur
Contre les morales anti-morales
Contre la frustration sublimeacute;e par la priegrave;re,
Le sport, le labeur et la civilisation
Contre la civilisation qui a fermeacute; les frontiegrave;res
Contre les frontiegrave;res
Contre les mains qui pendent
Et les pieds qui musellent les pieds
Contre les conservateurs de museacute;es
Contre le temps preacute;historique
Contre lrsquo;histoire srsquo;opposant agrave; notre histoire
Contre la fiegrave;vre perdue dans les corps
Contre les corps perdus au-dessus de nos sens
Contre les pieds qui usent le sable du temps
Contre les esprits hanteacute;s par des esprits
Contre la jalousie, lrsquo;accusation, la pitieacute;
Contre la torture et la mort
Contre la mort la mort la mort
Jusqursquo;au bonheur
Merveilleux, grand, geacute;neacute;reux
Bonheur pour lequel on invente une eacute;terniteacute;,
Que lrsquo;on deacute;passe toujours
Vers lrsquo;Eternel
Au coelig;ur de lrsquo;Eternel
Plus loin que lrsquo;Eternel
Air libre de lrsquo;univers
Celui qui possegrave;de et ne possegrave;de pas
Celui qui cheacute;rit et permet,
Se reacute;jouit et reacute;jouit
Celui qursquo;on a tueacute; dans notre conscience vive
Dans notre conscience engourdie
Celui qursquo;on a attacheacute; dans le puits
Pour qursquo;il ne libegrave;re pas lrsquo;eau
Celui qui ignore la misegrave;re
La peur
Les limites
Celui qui nrsquo;asservit pas
Celui qui naicirc;t de lrsquo;incendie des amours anciennes
Naicirc;t sur le vieux monde
Naicirc;t de toutes tes mains,
Naicirc;t du jadis de ton corps
Et de lrsquo;avegrave;nement de tes corps
Celui qui naicirc;t dans le fleuve de ta capitale bleue,
Celui qui naicirc;t sur ton lit.
Comme tes seins, intimes sont tes jambes
Passent les eacute;poques et leur gloire
Et le frisson de lrsquo;extase demeure dans les hommes.
Tu nrsquo;es pas le printemps qui vient chaque printemps. Entre et eacute;cris. Eacute;cris les vocables de la mer et de la terre. Eacute;cris lrsquo;enthousiasme et la fatigue, la perdrix et la pierre. La douceur et la force. Eacute;cris lrsquo;acteur et le martyr. Le lit et la conscience. Livre-toi agrave; ta main, laisse ta main se reacute;pandre sur les sources.
Tu meurs ocirc; homme.
Eacute;cris !
Eacute;cris !
Eacute;cris !
Ton meacute;contentement sur la neige, ta colegrave;re sur le cuivre, ton affection sur le soleil. Eacute;cris ton amour dans tous les yeux.
Que lrsquo;allumette soit un mot dans lrsquo;ombre, le manteau un mot dans le givre, la brise un mot dans la chaleur, et un mot lrsquo;eacute;loignement et la rencontre, la bouche et le fleuve.
Que les hommes apregrave;s toi dorment avec le mot.
Que les femmes apregrave;s toi dorment avec le mot.
Et que le mot soit toi
Apregrave;s toi.
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