قصيدتان أخريان للشّاعر المغربي عبد اللّطيف اللّعبي

SOUS LE BAIcirc;LLON LE POEgrave;ME

Agrave; mon fils Yacine

Mon filsaimeacute;
jrsquo;ai reccedil;u ta lettre
Tu me parles deacute;jagrave; comme une grande personne
tu insistes sur tes efforts agrave; lrsquo;eacute;cole
et je sens ta passion de comprendre
de chasser lrsquo;obscuriteacute;, la laideur
de peacute;neacute;trer les secrets du grand livre de la vie
Tu es sucirc;r de toi-mecirc;me
et sans le faire expregrave;s
tu me comptes tes richesses
tu me rassures sur ta force
comme si tu disais : laquo; Ne trsquo;en fais pas pour moi
regarde-moi marcher
regarde ougrave; vont mes pas
lrsquo;horizon, lrsquo;immense horizon lagrave;-bas
il nrsquo;a pas de secrets pour moi raquo;
Et je trsquo;imagine
ton beau front bien haut
et bien droit
jrsquo;imagine ta grande fierteacute;

Mon fils aimeacute;
jrsquo;ai reccedil;u ta lettre
Tu me dis :
laquo; Je pense agrave; toi
et je te donne ma vie raquo;
sans soupccedil;onner
ce que tu me fais en disant cela
mon coelig;ur fou
ma tecirc;te dans les eacute;toiles
et par ce mot de toi
je nrsquo;ai plus peine agrave; croire
que la grande Fecirc;te arrivera
celle ougrave; des enfants comme toi
devenus hommes
marcheront agrave; pas de geacute;ant
loin de la misegrave;re des bidonvilles
loin de la faim, de lrsquo;ignorance et des tristesses

Mon fils aimeacute;
jrsquo;ai reccedil;u ta lettre
Tu as eacute;crit toi-mecirc;me lrsquo;adresse
tu lrsquo;as eacute;crite avec assurance
tu trsquo;es dit, si je mets ccedil;a
papa recevra ma lettre
et jrsquo;aurai peut-ecirc;tre une reacute;ponse
et tu as commenceacute; agrave; imaginer la prison
une grande maison ougrave; les gens sont enfermeacute;s
combien et pourquoi ?

mais alors ils ne peuvent pas voir la mer

la forecirc;t
ils ne peuvent pas travailler
pour que leurs enfants puissent avoir agrave; manger
Tu imagines quelque chose de meacute;chant
de pas beau
quelque chose qui nrsquo;a pas de sens
et qui fait qursquo;on devient triste
ou tregrave;s en colegrave;re
Tu penses encore
ceux qui ont fait les prisons
sont certainement fous
et tant et tant drsquo;autres choses
Oui mon fils aimeacute;
crsquo;est comme ccedil;a qursquo;on commence agrave; reacute;fleacute;chir
agrave; comprendre les hommes
agrave; aimer la vie
agrave; deacute;tester les tyrans
et crsquo;est comme ccedil;a
que je trsquo;aime
que jrsquo;aime penser agrave; toi
du fond de ma prison

Quatre ans

Cela ferabientocirc;t quatre ans
on mrsquo;arracha agrave; toi
agrave; mes camarades
agrave; mon peuple
on me ligota
bacirc;illonna

banda les yeux
on interdit mes poegrave;mes
mon nom
on mrsquo;exila dans un icirc;lot
de beacute;ton et de rouille
on apposa un numeacute;ro
sur le dos de mon absence
on mrsquo;interdit
les livres que jrsquo;aime
les nouvelles
la musique

et pour te voir
un quart drsquo;heure par semaine
agrave; travers deux grilles seacute;pareacute;es par un couloir
ils eacute;taient encore lagrave;
buvant le sang de nos paroles
un chronomegrave;tre
agrave; la place du cerveau

Crsquo;est encoreloin le temps des cerises
et des mains chargeacute;es drsquo;offrandes immeacute;diates
le ciel ouvert au matin frais des liberteacute;s
la joie de dire
et la tristesse heureuse

Crsquo;est encore loin le temps des cerises
et des citeacute;s eacute;merveilleacute;es de silence
agrave; lrsquo;aurore fragile de nos amours
la fringale des rencontres
les recirc;ves fous devenus tacirc;ches quotidiennes

Crsquo;est encore loin le temps des cerises
mais je le sens deacute;jagrave;
qui palpite et legrave;ve
tout chaud en germe
dans ma passion du futur